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Feliciano Mejía, Perú

 

Poesía

Nana fúnebre para César Vallejo, poeta comunista,
bajo el galope de nubes de primavera (10)


Tengo frío, César,
después de deambular
en las calles de esta ciudad
donde una vez sonreíste.
(Entre tus íntimos escasos
eras alegre
hasta las gotas de oro, me cuentan los arcanos
ancianos libros).
Recorriendo los panteones de Montrouge y Montparnasse
para verte
(yo ni siquiera hoy sé pronunciar esos nombres)


(10) De Tararas del camino. Escrito en París, Montrouge,
mayo de 1983.


he buscado tu espacio entre las tumbas.
(Ah, cementerios de mármoles
y gatos gordos y cipreses de raíces temerarias:
Desde Amsterdam a Marina de Ragusa
es todo un solo cementerio
con plazas y placas de cemento o bronce o piedra arenisca
de millones de muertos olvidados
que nunca debieron haber muerto de obús
o gas o metralla).
Me han mirado
las hojas verdecidas de los arces,
negros mausoleos retorcidos en fierros,
mármoles aljofarados,
flores de plástico, los gur-gures
de lerdas miríadas de palomas ahuecando el aire
de gatos y gatos y gatos entre las tumbas,
corriendo como gatos eléctricos,
gatos ahueitando entre las cruces
como peces engreídos.
(No vi a la tarde irse
hundiendo, mojada por la lluvia,
en mis huesos convulsos).
(No ira ni angustia
tuve. Sólo este frío).
París es una máscara arrugada.
Una fina puta anciana llena de ajorcas de oro
y dientes de diamantes helados y carcomidos
y un cuerpo húmedo tatuado por el Sena lleno de mierda
perfumando las calles y bares repletos de calefacción.
París, desde La Comuna, Camarada, y tú lo supiste,
mi querido Comunista, no es sino
un cuerpo de odalisca atosigada
en formol,
que tiene el cuerpo
y el alma lleno de pus en macramé de níquel.
Cada rostro cobrizo o negro en los ingentes túneles
de trenes ciegos, relucientes,
en el queso gruyere del piso de esta ciudad,
semejábanseme tú.
Ahora tú, en esta tumba de piedra negra
pulida hasta el espejo y yo,
transido. Y el viento viejo. Acá.
París es una anciana lúbrica, repito,
de rostro carcomido por las ratas y estucada
por la ubérrima sangre de las colonias africanas.
Y aquí, en estas aceras,
nadie sabe de ti.
Salvo los muertos de los otros mausoleos pantagruélicos
y los panteoneros en sus oficinas
y su flechita de cartón apuntando al horizonte gritando:
?Siga la dirección.
Tumba de César Abraham Vallejo Mendoza?
Aquí.
Nadie. De ti. Nada nadie dice algo de ti
en estas calles amplias y parques llenos de árboles
y flores roídos por los comejenes.
Hoy, al verte, Camarada,
de ti mi llevo
una luz trepanada
entre mis muñones y mis tactos
para seguir en la guerra prolongada de los Andes.
Laca helada en la piel, me da este mundo, César,
la pulpa de mis sueños desollada,
el pene enhiesto como un dios deicida,
nada más, en mi maleta.
Hoy,
transido,
reacomodo mis poros.
Y tengo frío, Camarada.
Y me caliento el cuerpo y el alma,
volviendo
a recordar a los guerrilleros y la humilde dinamita
de tu Partido Comunista de tu Perú, Vallejo,
allá, a donde voy,
en la cima y pie del Waskarán,
mi querido Compañero.

 

Chant funèbre pour César Vallejo, Poète communiste, sous
les nuages Galopant du printemps


J’ai froid, César,
Après avoir erré
Dans les rues de cette ville
Où une fois tu avais souri.
(Entouré de tes rares intimes,
Tu étais heureux,
Même les gouttes d’or me content les secrets
Des vieux livres).
Parcourant, pour te voir,
Les panthéons du Montparnasse et de Montrouge
(Jusqu’à ce jour, je n’arrive même pas à bien
prononcer ces noms)
J’ai cherché ta tombe au milieu des tombes.
(Ah, Cimetière de Marbre,
Chats plus que gras, cyprès aux racines téméraires:
D'Amsterdam à Marina di Ragusa
Tout n’est qu’un seul cimetière
Avec des bancs et des plaques de béton, de bronze ou de grès,
Des millions de morts oubliés
Qui n'auraient jamais dû mourir sous les obus,
Le gaz ou la mitraille).
Elles m’ont dévisagé,
Les feuilles verdoyantes des érables,
Mausolées noirs cernés de grilles de fer torsadé,
Couronnes de marbre,
Fleurs en plastique, les roucoulements
De myriades de pigeons qui remuent l’air,
Et les sifflets électriques
Des chats, des chats, des chats au milieu des tombes,
Des chats qui courent comme s'ils avaient une pile dans le corps,
Des chats se faufilant parmi les croix
Tels des poissons arrogants.
(Je n’ai pas vu passer l’après-midi
S’enfonçant, mouillé par la pluie,
Dans mes os convulsés).
(Je ne ressentais ni colère ni angoisse.
Rien que le froid).
Paris est un masque ridé.
Une vieille courtisane aux bras lourds de bracelets en or,
Aux dents de diamant glaciales et cariées,
Au corps mouillé et tatoué par la Seine pleine de merde
Dont l’odeur rôde dans les rues et dans les bars surchauffés.
Paris depuis la Commune, Camarade, et tu le savais,
Mon communiste bien-aimé, n'est rien
Qu’un corps d’odalisque empoisonnée, plongé
Dans le formol,
Un corps
Et une âme pleins de pus qui se vêtent de macramé de nickel.
Chaque visage cuivré ou noir dans les énormes tunnels du métro,
Où circulent des trains aveugles aux yeux brillants
Dans le gruyère qu’est le sol de cette ville,
Me rappelle ton visage.
Et toi, maintenant, dans ce tombeau de pierre noire
Poli jusqu’à être pareil à un miroir, et moi,
Transi. Et ce vent ancien. Ici.
Paris est, je le répète, une vieillarde lubrique,
Au visage rongé par les rats et stuqué
Par le sang très abondant des colonies africaines.
Ici, sur ces trottoirs,
Personne ne te connaît.
Sauf les morts des autres mausolées gargantuesques
Et les fossoyeurs dans leurs bureaux
Avec leurs flèches en carton qui indiquent l'emplacement des
sépulcres en criant :
“Suivez les panneaux,
La tombe de César Abraham Vallejo Mendoza
Est par ici. ”
Personne. Que dit-on de toi ?... Non, nul ne dit rien de toi
Dans ces larges rues et ces parcs pleins de fleurs et d’arbres
Rongés par les termites.
Aujourd’hui, t’ayant vu, Camarade,
J’emporte de toi
Une lumière mutilée
Entre mes moignons et mes sens
Pour continuer la longue guerre des Andes.
Ce monde est comme une laque glaciale sur ma peau, César,
La chair de mes rêves en est écorchée,
Pénis en érection comme un dieu déicide,
Rien de plus dans ma valise.
Aujourd’hui
Transi,
Je mets à nouveau de l’ordre dans mes pores.
J’ai froid, Camarade.
Je me réchauffe le corps et l’âme
Et me rappelle les guérilléros et l’humble dynamite
De ton Parti Communiste du Pérou, Vallejo,
Là où je vais,
Au pied et au sommet du Waskarán,
Mon Camarade.